Dites, vous connaissez Bob Dylan ?

Je vous vois déjà : « qui est ce con arrogant qui nous prend pour des incultes ? ». Ce con c’est moi, et la question est rhétorique. Aujourd’hui on va parler monument, pas Monument Valley ou Château de Versailles. Non, on va plutôt parler d’un monument musical tellement inqualifiable que le type en question a reçu le prix Nobel de littérature en 2016. Oui de littérature. Il est au-dessus du game. Même si à 77 berges en fumant des cigares il a moins de classe que Jacques Dutronc. 

On parle d’un petit bonhomme du Midwest qui est arrivé à Greenwich Village début 60’s, qui s’est mis à reprendre des classiques de la folk américaine, puis s’est dit que putain les noirs devraient avoir les mêmes droits que les blancs (The lonesome death of Hattie Carrol), qui s’est battupour la paix (A hard rain’s A-gonna fall), qui a changé l’air du temps en soufflant dessus (Blowin in the wind), a eu le culot de chanter I want youà Françoise Hardy lors de leur première rencontre, puis a décidé de faire un doigt à son public en passant à l’électrique avec deux albums ayant marqué leur époque plus que n’importe quel autre disque américain : Highway 61 revisited et Blonde on Blonde.  

            Même si c’est déjà pas mal, Dylan ce n’est pas que cela. C’est aussi des reprises, par les Byrds, Hendrix, Johnny Hallyday. C’est un grand passage à vide après un accident de moto, un comeback inattendu en 1975 avec l’album Blood on the Tracksenfant aux traits d’Apollon né d’un divorce malheureux pour Robert Zimmerman. Le genre de disques qui nous rappelle tous les jours que le temps, c’est comme un avion à réaction, ça passe trop vite. Mais ce n’était qu’une éclaircie, le reste de sa carrière semblant anecdotique comparé aux années d’or 1964-1965-1966. En témoigne sa période « rock chrétien » sur laquelle on ne s’étendra pas plus… 
            Mais tout cela en fait, on s’en fout. Aujourd’hui on va parler du grand oublié des albums de Dylan des 60’s. Aujourd’hui on va parler country avec Nashville Skyline. L’ouverture de l’album Girl from the North Country, l’histoire d’un amant déçu qui ne fera plus d’effort mais n’oubliera jamais vraiment, reprise d’un de ses propres morceaux avec le légendaire Johnny Cash donne le ton : doux mais ferme (n’y voyez AUCUNE connotation). Vient ensuite une instrumentale de pure country nous rappelant qu’avant d’être la rockstar millionnaire qui s’est crashée en moto en 1966, Dylan c’est surtout un enfant du Midwest. Puis tout l’album défile, comme un retour aux sources, empreint d’une homogénéité et d’une honnêteté à toute épreuve, comme une cure de jouvence pour le petit Zimmerman que le temps commence à oublier. 

            Et là arrive Lay Lady Lay, le véritable chef-d’œuvre de ce disque trop méconnu. Sur ce morceau, Bobby (je sais qu’il me passera cet écart) se livre tendrement sur un amour qu’il sait venir, sans savoir quand et qu’il ne veut plus attendre. Un amour passion, un amour violent, inconnu, qu’il faut saisir maintenant, car l’occasion est là et qu’elle ne se représentera pas : “Why wait any longer for the one you love/When he’s standing in front of you ?”. C’est toute une histoire d’amour que Dylan nous offre en trois minutes et vingt et une secondes, titre qu’il avait créé pour le film Midnight Cowboy mais qui est finalement devenu un film à lui tout seul. Robert nous fait des promesses, de celles qu’on veut tenir et on a envie de le croire lorsqu’il nous dit« Whatever colours you have in your mind / I’ll show them to you and you’ll see them shine”. On a envie de faire briller ces couleurs dans le souvenir d’un amour futur. Ce titre est, en fait, la quintessence d’un disque à travers lequel Dylan nous rappelle à quel point il veut entendre, écouter et être écouté. Un disque qu’on pourrait résumer en une chanson, qu’on pourrait elle-même résumer en une injonction : aimer et être aimé. 

             Enfin bon, on n’en est pas là non plus, du coup je pars me mettre au banjo, c’est beaucoup plus utile. 

Un commentaire sur “Dites, vous connaissez Bob Dylan ?

  1. You don’t need a weather man
    To know which way the wind blows…
    Oui, je connais un peu, y compris les disques dont on cause plus haut. Nashville Skyline n’est pas mon préféré, mais c’est vrai j’aime beaucoup « lay lady lay ». Coup de chapeau aussi à l’auteur d’une superbe chanson adressée à Hurricane Carter, le boxeur noir injustement emprisonné et accusé sans preuve.

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